Après avoir vécu chez sa grand-mère, aux Lilas, jusqu'à l'âge de treize ans, Auguste rejoint sa mère à Paris, à Montmartre, dont les gosses ont été si bien évoqué par Warnod[1]:

Les gosses de Montmartre sont d'une extraordinaire race. Plus que les autres encore, ils sont vite dégourdis. [...] Là haut à Montmartre, ils ont toujours eu du grand air, ils peuvent jouer librement dans ces rues tranquilles. C'est un peu comme s'ils étaient élevés à la campagne.

On l'imagine donc volontiers baguenaudant avec quelques adolescents délurés de son âge, ou, comme le suggère Heubert[2]:

des camarades, rencontrés sur les fortifs, ouvreurs de portières et vendeurs de programmes, [qui] l'entraînèrent dans leur sillage impur, vers les abords des champs de courses et des théâtres...

un visage d'homme maigre, barbu, avec de fines lunettes.

Le luthier,
eau-forte d'Auguste Brouet.

Mais il faut qu'il trouve un gagne-pain : on le met donc en apprentissage, d'abord chez l'imprimeur de musique Delaye, pendant deux ans, ensuite chez un luthier du faubourg Poissonnière[2]. Il faut croire que ce luthier et son atelier firent forte impression sur l'adolescent, car on trouve dans l'oeuvre ultérieure des instruments de musique en abondance, deux vues d'atelier de lutherie et encore ce petit portrait à l'eau-forte d'un luthier, "la tête chauve et ravagée, conservant juste assez de chair, d'os et de tendons pour contenir une âme brûlante derrière les lunettes"[3].
Ce qui est sûr, c'est que jusqu'à ses quinze ans, Auguste Brouet était le rejeton d'une famille parisienne très simple, et rien ne semblait le prédisposer à cette carrière artistique qui devait être la sienne.

Notes:

[1] A. Warnod, Le Vieux Montmartre, E. Figuière, 1911 (avec une préface de Gaston de Pawlowski).

[2] J. Heubert, Graveurs et Lithographes d'Aujourd'hui: Auguste Brouet, La Gravure et la Lithographie Françaises, 1914, 196-202.

[3] J.-R. Thomé, Auguste Brouet, Atalante, 1942.