Michaël Samanos est né en 1876 à Paris[1] , de parents aisés d'origine bordelaise. On semble avoir hésité à ajouter son second prénom à l'état civil où ne figure qu'un "A" barré. André est pourtant le prénom qui sera seul utilisé dans la famille[2] , quand bien même l'état-civil et l'administration ne connaissent que l'autre...
Les circonstances difficiles de la jeunesse de Samanos sont retracées en détail dans les pages biographiques qui lui ont récemment été consacrées[3] . Le père, Albert Samanos, jeune avocat, est prodigue des biens de son épouse, d'où séparation ; il se lance dans une carrière d'homme de lettres, avec un certain succès – deux romans et un recueil de nouvelles – mais son état mental peu à peu s'altère. C'est Maupassant devenu le sujet d'une de ses propres œuvres[4] . La jeune mère élève donc seule ses deux fils, mais meurt bientôt : les enfants sont alors confiés – ils ont une dizaine d'années – à la tutelle d'un oncle, un brave homme, juge de paix, qui avec son épouse, "arriviste, intéressée et sans coeur", en assurera difficilement l'éducation. Pour Michaël, jeune homme sensible, la situation est pénible, et les jours ne se passent pas sans révoltes. L'émancipation sera d'autant plus longue qu'à sa majorité – il est au service militaire – on craint, non sans quelques raisons, semble-t-il, qu'il n'imite les fâcheuse dispositions de son père et ne dilapide les capitaux dont il a hérité et qui lui procurent une certaine aisance. On lui colle donc encore un conseil judiciaire[5] , qui ne prendra fin qu'en 1904[6] — il a alors presque trente ans !
Quelles que furent les circonstances, il réussit tout de même à faire valoir sa vocation d'artiste. Une probable première mention de ses activités apparaît dans le Gil Blas en 1898[7] : on annonce un envoi au Salon d'un certain A. Samanos, sculpteur. Ce buste ne figure cependant pas au catalogue, et aurait donc pu être refusé. Ensuite, on rencontre de nombreux dessins de presse, à partir de 1900, dans divers périodiques illustrés, dont Le Frou-Frou (illustration) et La Caricature. On se souviendra qu'un des thèmes les plus en vogue, chez les dessinateurs et humoristes de la Belle-Epoque, ce sont les relations entre femmes du demi-monde et rentiers... Cette veine marque une bonne partie de ce que l'on peut apercevoir de sa production. C'est d'ailleurs à ce titre qu'il illustrera, vers 1910, une réédition en format bon marché, dans la toute nouvelle collection Le Roman Succès, chez Albin Michel, d'un nouvelle signée Willy, Un Vilain Monsieur ! [8] , qui fut écrite (par Jean de Tinan...) en 1898. Le dessin so 1900 de Michaël Samanos fera merveille pour l'illustration d'un tel ouvrage !
eau-forte en couleur de M. Samanos,
(vers 1905 ?)
Estampes D. Martinez
Le secours est accordé. Puis arrive la guerre, que Michaël Samanos passera sous les drapeaux. Il dessine beaucoup et ses dessins sont heureusement conservés. Après la guerre, on trouve quelques aquarelles dans une exposition, et toujours des dessins dans la presse. Il meurt dans le dénuement, en juillet 1924 à Paris VIème, après une douloureuse maladie[16] . Il n'avait même pas atteint ses cinquante ans.M. Samanos, qui s'est partiellement consacré à l'illustration, m'a soumis divers états de lithographies et d'eaux-fortes qui ne sont pas sans mérite. Malheureusement les ouvrages de ce genre, quand ils ne se signalent pas à l'attention des amateurs par des qualités exceptionnelles n'ont aucune chance de vente et leur auteur doit renoncer à vivre de sa production.
Notes:
[1] le 4 janvier, au 36 de la cossue rue de Pentièvre, dans le VIIIème.
[2] Les Samanos du XVIe au XXe siècle, Jean-Alain Jachiet, éditions Bamertal, 2016 (ISBN 978-99959-0-221-6), p. 87.
[3] ibidem.
[4] Jachiet 2016, p. 79.
[5] Archives commerciales de la France, 3 août 1898 (Loiret).
[6] Archives commerciales de la France, 17 février 1904 (Mainlevée de conseil judiciaire).
[7] à la rubrique "Envois au salon"
[8] la collection voit le jour en 1909 avec La maîtresse du Prince Jean, de Willy, et arrive à son terme en 1930 avec Flot d'amour, de Scheffer. Pour plus de détails sur l'éditeur et la collection, voir cette page.
[9] Concernant l'eau-forte en couleur, voir ce billet.
[10] à la galerie Georges Petit : on en trouvera un compte-rendu ici.
[11] aux Indépendants et au Salon d'automne en 1905, au Salon de l'Ecole française en 1906 et chez Deplanche en 1909.
[12] catalogue qu'on peut feuilleter ici. Outre les artistes de la galerie Georges Petit, on y trouve également des reproductions d'oeuvres de Vaughan Trowbridge.
[13] parfois dénommé, dans ce catalogue,... Bronet.
[14] voir une reproduction ici. Il semble s'agir d'une suite d'au moins quatre planches, qu'on rencontre parfois en salles de vente.
[15] aux Archives Nationales (F/21/4153).
[16] voir cet entrefilet.